HyperFard
Lou Reina
PRIX AMMA 2025
biographie
Née à Paris en 2000, d’un père espagnol et d’une mère française, Lou Reina vit et travaille à Paris. Diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2024 de l’atelier Tatiana Trouvé, elle est passée par un échange universitaire de 6 mois à l’Università IUAV di Venezia (2022). Elle a pris part à plusieurs expositions collectives dont CRUSH (2023) et Autohistorias (2024) au Palais des Beaux-arts de Paris. Lauréate du Prix du Jury Paris 1 Sorbonne pour l’art contemporain 2025, c’est dans ce cadre là qu’à lieu son exposition personnelle à la Sorbonne ArtGallery. Sa pratique artistique explore l’intersection entre le dessin et la céramique dans des narrations identitaires et oniriques sans cesse renouvelées.
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Photo: Ix Dartayre
Cette série de masques initiée il y a presque deux ans accompagne l’artiste au quotidien et se mue au fil des références, images et explorations techniques qui la traverse. Il se dessine comme un personnage aux multiples facettes incarné par les masques comme si chacun portait en lui une histoire, voire la possibilité d’une performance. Pour l’exposition Hyperfard à la Sorbonne ArtGallery, chaque vitrine devient un théâtre miniature, investie par un masque de céramique aux traits exagérés et ambigus, qui semblent flotter dans l’espace comme suspendu entre deux états. L’intersection de l’espace scénique et de celui de l’exposition est le point de départ de cette proposition. Ces présences sculpturales, déployées dans des dimensions monumentales, s'imposent comme des figures figées en attente d’un rôle. L’installation se joue de la frontière entre l’objet sculptural et le décor, entre le dispositif théâtral et la vitrine muséale.
Les masques comme outils de transformation et d’auto-détermination permettent à celui ou celle qui les porte de transcender l’individualité et d’habiter un personnage hybride et théâtral. À la fois inspirés du burlesque, de codes exacerbés du drag avec sa capacité à jouer avec les identités, et à mélanger les genres mais aussi de théâtre plus ancien ; ces masques naviguent entre des temporalités différentes et peut-être donne la sensation d’une présence ambiguë capturée par l’émail.
Ces visages sont des surfaces de projection de multiples narrations au travers desquels se rejoue le pouvoir du fard — maquiller, dissimuler, performer. Le titre Hyperfard condense l’essence de cette recherche : le fard comme excès, comme surface politique et esthétique, comme geste de transformation radicale. Il évoque un maquillage poussé à l’extrême, au-delà du camouflage, jusqu’au manifeste. Le « hyper- » n’est pas seulement amplifié : il suggère une surcharge assumée, une fiction plus vraie que le réel.
Chez Lou Reina, la céramique et le dessin s’entrelacent dans une narration poétique où l’anachronisme se fait matière et récit. La mémoire des objets du quotidien, les traces qu’ils laissent dans nos imaginaires inconscients sont le point de départ d’un récit individuel voire fictif qui peu à peu devient collectif. Les sculptures évoquent des formes connues de tous et de toutes, et pourtant non utilisables. Il s’agit là de natures mortes, d’assemblage d’objets ou rien n’est laissé au hasard comme si chaque détail gardait l’empreinte d’un instant, d’une volonté inconnue. Sur l’ensemble des sculptures plane une figure spectrale, entre star déchue des années folles et double fictif sans jamais être représentée explicitement.
Il se crée comme un langage de rébus, un vocabulaire formel, issu de champ symbolique et baroque, mobilisé aussi bien dans les natures mortes que dans les dessins. Des objets intimes semblent figés sous des strates charbonneuses vitrifiées d’émail, des vêtements incrustés de breloques et accumulations de fragments perdus - pions de jeu, clefs, escarpin ou godet -, évoquent les témoignages d’une vie de bringue au cabaret.
La temporalité y est brouillée ; la matérialité même de la céramique lourde et statique invite à s’interroger sur sa signification et son origine, comme si elle provenait d'un monde parallèle ou d'un temps lointain. Ces céramiques portent en elles la trace d’un processus parfois accidenté. La brisure traverse l’œuvre, exposant sa nature fragile et faisant résonner un geste fondateur, celui du dessin, qui, du papier à la terre, se mue de l’esquisse au tatouage de la matière.


