JÉRÔME DUPIN
TRAVIOLES & APPROXIMATIONS
Du 6 au 29 mars 2017
Commissariat d’exposition : Yann Toma
Vernissage le 6 mars 2017
Sorbonne Artgallery a le plaisir de vous présenter l'exposition Travioles & Approximations de JÉRÔME DUPIN, exposée du 6 au 29 mars 2017.
« Danser dans les chaines »
Insérée, enchâssée dans les épais cadres baroques de la galerie, la peinture tente d’échapper à son encadrement. Intégrant les cadres massifs et statiques où se nichent ses œuvres, l’artiste questionne la relation de l’épanouissement de l’art à la contrainte. Si la tentation de « sortir du cadre », ou peut-être de s'y contenir ?, est excitante - même camouflé le cadre serait toujours présent... Jérôme Dupin propose ainsi, de façon toute élémentaire, d’explorer les possibles d’une éventuelle liberté au sein du cadre. Si cette question s’exprime dans la peinture, elle reflète une réflexion plus large, que l'on retrouve également dans ses productions vidéos (Captchapoem, 2014).
A travers la peinture
Approximations, la peinture de Jérôme Dupin ne commande pas, ne répond pas. Elle propose, suggère, et peut-être inspire une autre vision du monde, légèrement décalée. Travioles, le bancal et l’instable sont des partis pris esthétiques et politiques. Les formes de cette série se meuvent sans repères, sans coordonnées. Elles peuvent désorienter le spectateur : qui serait, de ce fait, de traviole ? La peinture ou nous ? Recourant à des formes géométriques et à une couleur unique, Jérôme Dupin ne cherche pas le spectaculaire. La vertu de son art est de laisser de l’espace à la pensée.
TRAVIOLES ET APPROXIMATIONS
Un jour, il y a déjà quelques années, un personnage de premier plan du monde de l'art me disait, répondant à un dossier que je lui avais envoyé juste pour avoir la possibilité de le rencontrer, que cela l'étonnerait beaucoup que l'on puisse fonder une démarche de peintre à la fois sur le minimalisme américain et sur supports surfaces.
Cette opinion m'intrigua dans un premier temps, puis m'incita finalement à m'engager dans la certitude, enfin presque, que tout était justement possible entre ces deux « mouvements », voire en dehors ou encore autour.
Bien que très bien placé pour le savoir, ce personnage important ne pouvait qu'ignorer que je puisais les éléments de ma réflexion autant chez Duchamp que chez Matisse, sans oublier l'Actionnisme viennois ni Fluxus ni le Land art ni BMPT...
Je crois que c'est à ce moment-là que j'ai compris que l'obsession disciplinaire des catégories était un handicap vraiment dommageable pour les artistes, particulièrement en France.
Environ trente-cinq ans après cet épisode, je me rends compte aussi à quel point l'obsession du commentaire sur a construit une approche et une diffusion de l'art très particulières.
Au fond, ces deux obsessions rapportent l'art, sa diffusion et sa réception à un simple mode culturel, dont on connait assez bien aujourd'hui le glissement progressif vers le divertissement.
C'est ainsi, qu'à force de catégoriser, de disciplinariser et de commenter, on a probablement favorisé (au moins) deux sortes d'art. Celui d'un marché sans cesse plus spéculatif (merci Thatcher et Saatchi) et celui d'un « petit » marché, sinon un non-marché - condamnant les artistes soit à vivre comme des rock-stars soit à survivre chichement plutôt qu'à vivre vraiment de leur art.
Personnellement, je n'ai pas à me plaindre. En effet, je ne m'intéresse ni au succès, ni au marché, ni à la survie.
Ce qui me convoque à l'atelier, dans la mesure où j'aurais des idées pour faire quelques petites choses, c'est simplement ma vie.
Je ne sais pas à quoi je sers. Ni à quoi servent mes productions.
Tout ce que je sais, c'est que je ne fais quelque chose que lorsque cela s'impose, d'une façon ou d'une autre. Bien sûr, après toutes ces années à faire des choses, je peux comprendre à peu près ce que j'ai déployé, suivant un fil plus ou moins conducteur. Mais je suis persuadé que je n'ai rien programmé réellement. Pire, j'ai même toujours refusé de projeter quoi que ce soit. Par souci de liberté personnelle, sans doute.
Liberté qui n'existe évidemment pas. Mais liberté que j'ai besoin de me figurerpour « suspendre » la réflexion, la théorie, l'histoire, la culture, pour faire, enfin, quelque chose. Pour exécuter un travail.
Ainsi chaque séance à l'atelier demande une réelle mise en condition préalable. L'idée, c'est de ne jamais faire quelque chose à moitié ou à peu près. C'est une question de respect du temps. Celui qui m'est imparti. Au jour le jour comme à long terme. Et j'en manque, de temps.
Pour moi, le travail artistique est à ce prix.
Refuser le marché tel qu'il est devenu et refuser de crever la gueule ouverte pour l'art tel qu'il est devenu dans sa condition d'existence.
On ne va quand-même pas vendre des œuvres comme de vulgaires boîtes de conserve, n'est-ce pas - ni se suicider parce qu'on n'est pas reconnu à sa juste valeur.
Une autre possibilité, si on n'est pas content, reste bien sûr de faire autre chose que de l'art.
Bien entendu, tout cela reste très approximatif et légèrement de traviole, comme il se doit.
Jérôme Dupin
Janvier 2017
Né en 1956, Jérôme Dupin fait ses études d’art à la Villa Arson à Nice puis devient directeur artistique dans plusieurs agences de publicité. En 1992, il quitte tout, son travail et Paris, pour se remettre à la peinture. Ses curiosités artistiques relèvent autant de l’héritage de Duchamp et de Matisse, de Hantaï, que dans celui de l’Actionnisme viennois, de Fluxus, du Land Art, de BMPT, de Supports/Surfaces… Son travail, exposé en France et à l'étranger, est répertorié dans des collections privées et publiques. En parallèle de son activité d’artiste, il a été professeur des écoles supérieures d’art et est actuellement inspecteur à la direction générale de la création artistique du ministère de la culture et de la communication.